Olivier Lalouette fut assez bon, mais je n’ai jamais adoré l’air de Melisso, vaine réprimande moraliste et assez ennuyeuse. L'opéra s'ouvre sur l'arrivée de Bradamante, vêtue en guerrier, déguisée en son propre frère « Ricciardo », et de Melisso, son ancien tuteur, également en tenue de guerre, qui ont échoué sur le rivage. Convinced of Ruggiero's indifference, she enters to turn Ricciardo into an animal, and Ruggiero has to pull himself together quickly and convince the sorceress that he does not need any proof of her love. Cela a souvent été dit dans nos colonnes, mais il n’est pas vain d’insister : Anja Harteros est l’une des plus précieuses sopranos actuelles, et elle le sera assurément pendant de longues années. Luca Tittoto est un très remarquable Melisso, au timbre très chaud. Dans son ensemble, la distribution vocale a, elle aussi, semblé contractée : pendant les deux premiers actes, on a perçu des difficultés quasi générales à assumer les vocalises jusqu’à leur terme, sans respirer, et à soutenir des lignes de chant. Kristina Hammarström, l’autre mezzo de la soirée, est plus « propre » mais moins excitante.Vienne oblige, le rôle d’Oberto est tenu par un jeune adolescent issu des Wiener Sängerknaben, Shintaro Nakajima, qui lui apporte une fraîcheur et une musicalité sans faille. Plus de dix années séparent le tragique Tamerlano (1724) de la magique Alcina (1735), mais le traitement commun appliqué à ces deux chefs-d’oeuvre ne se fait en aucun cas au détriment de leurs natures divergentes. Lorsqu'Oberto rappelle à Alcina sa promesse de l'aider à retrouver son père, elle fait vicieusement sortir un lion de sa cage et donne un poignard à Oberto, lui ordonnant de le tuer. L’ensemble ne manque pas de sensualité, mais aurait sans doute gagné à bénéficier d’un décor un peu plus inspiré qu’un simple échafaudage et des écrans vidéos aussi laids qu’inutiles, et d’une chorégraphie un peu plus structurée, plutôt que d’obliger tout le monde à danser en permanence. Je ne saurai dire si c’était déjà le cas à Montpellier puisque j’étais alors totalement néophyte, mais là cela m’a plutôt gêné, surtout pour l’air d’Alcina qui est sans doute mon préféré de la partition.

Pas d’Oberto pour cette reprise, le chef John Nelson s’étant référé à la partition originale de 1735 qui ne mettait pas en scène le jeune chevalier soupirant d’Alcina. Le spectateur est autant subjugué par la musique troublante que par des voix peu connues comme celle de la chanteuse grecque, la magicienne Myrto Papatanasiu, magnifique Alcina.

Mais celui-ci refuse, devinant qu'il doit s'agir de son père, et se retourne contre Alcina qu'il menace avant de partir avec son poignard. Le rôle d’Alcina, écrasant, demande des moyens vocaux exceptionnels et force est de constater que le choix de Christine Schäfer s’avère on ne peut plus discutable et relève même de l’erreur de casting. L’action est transposée avec intelligence par Robert Carsen. Jeremy Ovenden: mauvais et nasillard dans son premier air, honnête dans le second et très bon dans le dernier. Du côté des chanteurs, on attendait beaucoup de la soprano russe Olga Peretyatko, vedette montante de l’art lyrique. Heureusement, il en offre cette fois une exécution plus proche de l’intégrale, même si certains moments de la partition (les ballets, l’ultime chœur « Dopo tante amare pene ») passent encore à la trappe. Veronica Cangemi incarne Morgana, soeur d’Alcina, qui n’est pas une soubrette, mais qui est pratiquement, avec Oberto, le seul personnage sincère dans cet opéra fait de tromperies. Pour donner tout son éclat à l’événement, la direction de l’Opéra a fait appel au tandem Robert Carsen / William Christie qui, chez Haendel, avait déjà fait ses preuves à Aix, dans Orlando et Semele. Le livret dAlcina, dont lauteur est inconnu, a comme source indirecte lAlcina delusa da Ruggiero, écrit en 1725 par Antonio Marchi pour Tomaso Albinoni, représenté au teatro San Cassiano de Venise, puis repris au teatro San Moise, en 1732, sous le titre Gli avvenimenti di Ruggiero. En réalité, le plus agaçant est de toujours voir Haendel traité selon les mêmes codes : de David McVicar à Robert Carsen, en passant donc aujourd’hui par Adrian Noble, ce sont toujours les mêmes moulures, les mêmes lumières descendant en pluie d’étoiles, les mêmes effets de fumée… Alors, c’est très beau, certes, mais pour le coup terriblement conformiste. Les chanteurs/acteurs doivent souvent chanter des long airs où ils sont davantage exposés, grâce à la limpidité et la finesse de la mise en scène. La chanteuse avait sûrement besoin de se chauffer car elle se montre magnifique dans son dernier air, dans lequel elle essaie de reconquérir Oronte “credete al mio dolore” à l’aide de sons filés et tenus. Mlle Sallé avait composé un ballet dans lequel elle se chargea du rôle de Cupidon, qu’elle entreprit de danser en habit d’homme. Timothy Robinson a mûri avec sagesse son Oronte, déjà entendu au Palais Garnier et figurant sur l’enregistrement qui en a fait suite.